Qu’ils soient hérités, nouvellement acquis, ou en attente de l’être, les bijoux tout comme les œuvres d’art font partie intégrante du patrimoine matériel dit “de valeurs”. Et à ce titre, les faire expertiser, les assurer au mieux, est aussi important que pour une voiture, une maison, ou tout autre bien. La difficulté réside bien souvent dans la meilleure manière de le faire. Nous avons invité deux experts historiques de ces marchés, Frédéric Colliard, commissaire-priseur diplômé directeur associé chez Genève Inventaire et François Schuler de ABF Art Consulting pour répondre à nos questions sur la partie estimation, qui vient compléter notre propre expertise assurantielle. Nous espérons que ces réponses que nous avons souhaité les plus précises possibles vous éclaireront et vous guideront au mieux dans vos choix !
1. Avant toute chose, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons/les motifs motivants l’expertise des objets de valeurs tels que l’Art et les bijoux ?
François Schuler : Les expertises d’objets de valeur, d’œuvres d’art ou de production artisanale sont en principe sollicités dans le cadre :
- d’une police d’assurance
- d’une succession, d’un héritage
- d’un partage avant succession
- d’un sinistre, d’un dégât ou d’un vol
- pour obtenir des informations personnelles sur un patrimoine mobilier.
Des expertises consultatives peuvent être également demandées s’il y a une volonté de vendre ou d’acheter un ou plusieurs objets.
Frédéric Colliard : Je complèterais par les situations suivantes :
- Lorsque le propriétaire d’une œuvre d’art n’a pas de preuve d’achat ou de facture ou lorsque la preuve d’achat de l’œuvre d’art ou objet précieux remonte à plus de deux ans (art contemporain) et cinq ans (maîtres anciens et XIXème siècle, les bijoux et montres de collection).
- Si la succession n’est pas en ligne directe et selon la fiscalité des cantons, l’expertise et l’évaluation permettent d’établir un document officiel destiné aux règlements des droits de succession.
- En cas de procédure de divorce, l’intervention d’un cabinet d’expertise et d’inventaire qui précise les valeurs actualisées de chaque œuvre d’art ou objet précieux du patrimoine commun peut s’avérer indispensable au règlement conflictuel qui oppose les ex-époux au tribunal.
- Dans le cas d’une transaction d’une œuvre d’art ou d’un objet précieux, l’expert ou le cabinet d’expertise intervient comme un tiers de confiance entre le vendeur et le futur acquéreur. Son rôle est de réunir les documents garantissant son authenticité et de fixer le juste prix de la transaction en toute impartialité.
2. Pour les biens bijoux ou œuvres d’art – notamment hérités – qui peuvent être en notre possession depuis des dizaines d’années, le réflexe de l’expertise n’est pas forcément aussi manifeste que lors d’une acquisition récente. Selon vous, à quel(s) moment(s) réaliser une expertise ?
Frédéric Colliard : Je dirais que chaque situation est particulière, mais notre expérience démontre que le règlement des désaccords entre les parties (compagnie d’assurance/assuré – ex-mari/ex-femme – l’ensemble des héritiers à l’ouverture d’un testament) se résout mieux lorsque le patrimoine a été valorisé en amont du conflit.
Nous recommandons d’actualiser son inventaire tous les deux ans pour l’art contemporain et tous les cinq ans pour les collections de maîtres anciens et XIXème siècle, les bijoux et montres de collection.
Une mise à jour de l’inventaire permet également d’y ajouter les nouvelles acquisitions du client. Son but est enfin d’examiner l’état de conservation de chacune des œuvres et d’en confirmer son emplacement à la compagnie d’assurance (ex : salon du 1er étage de la résidence « Les Tilleuls » à Verbier).
François Schuler : Dans le cas d’un héritage, d’un sinistre ou vol, il semble logique de demander immédiatement l’expertise. Il s’agit en effet d’un évènement ponctuel qui exige une expertise ponctuelle. Dans le cas d’un police d’assurance, la première expertise doit être demandée par le client/propriétaire, parfois sur les conseils d’un assureur. Une fois que le premier inventaire est établi, des mises à jour sont nécessaires, importantes pour intégrer bien entendu les nouveaux objets à l’inventaire initial mais aussi, par exemple, afin de contrôler la cote des artistes s’il y a des tableaux, des sculptures dans l’inventaire initial ; afin de contrôler également le cours des métaux et des pierres précieuses lorsqu’il y a des bijoux et des montres.
3. Et y a-t-il un montant “minimum” à partir duquel il devient intéressant, voire important, de faire une expertise ?
François Schuler: Il n’y a pas de règles, le propriétaire décide des objets qui vont figurer dans l’inventaire. Il arrive parfois que des objets soient inventoriés simplement parce que le propriétaire y attache une valeur sentimentale, indépendamment de la valeur vénale.
Frédéric Colliard : D’une manière générale, l’expertise d’une œuvre d’art et d’un bijou est conseillée à partir de 5’000.- CHF et est vivement recommandée pour un patrimoine mobilier (peintures, sculptures, mobilier, objets d’art, bijoux et montres) au-dessus de 30’000.- CHF.
4. Pouvez-vous maintenant nous expliquer en quelques mots la manière dont se déroule une expertise ?
Frédéric Colliard: L’expertise d’une peinture ou d’une parure de diamants nécessite obligatoirement un examen visuel. En fonction du caractère unique de l’œuvre ou de l’objet de valeur qu’il est amené à examiner, l’expert peut avoir recours, selon les cas, aux techniques scientifiques de laboratoire et à l’avis croisé de ses confrères.
5. Quels sont les risques liés au fait de ne pas expertiser ses objets de valeurs ?
François Schuler: Dans la cas d’une police d’assurance, le risque est évidemment celui d’une sous assurance qui peut déboucher sur le non remboursement d’objets endommagés ou volés. Dans le cas d’une succession, le risque est celui d’un partage compliqué avec ses conséquences possibles, tels que la rancœur, un sentiment d’injustice, des familles parfois déchirées. Plus généralement, le risque est parfois simplement de ne savoir exactement ce que l’on possède.
Frédéric Colliard : Je rajouterais à cela le risque d’acquérir un faux ou une contrefaçon lors d’une transaction.